Le sport en prison entre insertion et paix sociale. Jeux enjeux et relations de pouvoirs à travers les pratiques corporelles de la jeunesse masculine incarcérée

Résumé

En 1949, apparaît pour la première fois en France, au sein des établissements pénitentiaires, la pratique de la « culture physique » (selon les termes utilisés dans la note du 10 août 1949 émanant du bureau de l’application des peines). Cette mesure innovante rompt avec les principes traditionnellement utilitaristes des peines qui, depuis la fin du XVIIIème siècle, se voulaient exemplaires, correctrices, rédemptrices. Elle met en évidence dès 1954 la nécessité de la pratique de « l’éducation physique » dans un double objectif : d’hygiène physique et morale mais également de réinsertion. N’y a t-il pas là cependant confusion de termes (et d’objectifs) puisque, au gré des différentes directives, « l’éducation physique » se verra fixer pour objectif l’insertion, la réinsertion, l’intégration et la socialisation ? Répondre à cette question suppose d’élargir l’appréhension de la pratique à bien plus qu’un simple ensemble de décisions ministérielles. Sur le terrain, en effet, les acteurs (détenus, surveillants, intervenants extérieurs, personnels d’encadrement, etc.) paraissent vivre des réalités beaucoup plus nuancées. L’expérience sportive, du point de vue individuel, ne fonctionne pas sur le même registre d’ambitions, de désirs, de besoins… Les objectifs politiques de l’Administration pénitentiaire doivent donc en permanence composer avec des éléments matériels et humains qui définissent au quotidien, site par site, le cadre d’action des usagers du sport en prison. Ce pragmatisme pénitentiaire est également tributaire des grandes orientations qui ont marqué historiquement l’avènement d’un « droit » au sport dans une perspective culturelle et humaniste replaçant le corps au centre d’une attention portée à soi. Cet article, plus particulièrement centré sur la jeunesse incarcérée, interroge précisément cette interaction, ce rapport ambigu des pratiques physiques à la prison et de l’acteur au système, dans une double perspective. Une approche historique permet de comprendre comment s’est construit dans la longue durée le rapport des jeunes détenus à la pratique physique, voire à la peine physique, comment se sont succédé des phases dans la structuration des usages de la pratique physique en prison et dans quelles perspectives sociales se trouve aujourd’hui insérée une activité sportive dont le caractère d’offre de pratique culturelle se heurte aux contraintes particulières (matérielles, morales, symboliques) de la punition et de l’enfermement. Une approche plus sociologique, basée sur une enquête de terrain, permet alors d’investiguer le caractère éminemment pluriel du sens donné aux pratiques par les jeunes en prison.

Abstract

Sport in Prison between Integration and Social Peace. Games, Stakes and Power Relationships Embedded in Body Practices among Incarcerated Male Youth.

In 1949, appears for the first time in France, within the penal establishments, the practice of the “physical culture” (according to the terms used in the note dated 10/8/1949 – from the Punishment Application Office). This innovating measure breaks with the traditionally utilitarian principles of the punishment which, since the end of the 18th century, wanted to be exemplary, corrective, and redemptive. Its highlights since 1954 the need for the practice of “physical education” in a double objective of physical and moral hygiene but also of reintegration. But perhaps is there a confusion of terms and of objectives since, according to the various guidelines, the objective for “physical education” will alternatively be insertion, reintegration, integration and socialization ? To answer this question supposes to widen the apprehension of the practice with much more than a simple set of ministerial decisions. Indeed, field actors (prisoners, supervisors, outside contributors, staff supervisory, etc.) appear to live much more varied realities. From the individual point of view, sport practice does not refer to the same register of ambitions, desires or needs… The political objectives of the prison authorities must thus permanently compose with material and human elements which define every day, site by site, the framework of action of sport users in prison. This penitentiary pragmatism depends on the main trends which historically led to the advent of a “right” to the sport, within a cultural and humanistic perspective when the body becomes a target for self concern. This article, more particularly centred on imprisoned youth, questions precisely this interaction, this ambiguous link between physical practices and the prison, and between the actor and the system, from a double point of view. A historical approach makes possible to understand how the link between young people in jail and physical practice, and even physical sorrow, has been built, how the phases in organising physical practice in prison followed one another. It also shows in which social perspective is inserted sport today, when its character of cultural practice runs up against the particular material, moral, symbolic constraints of punishment and imprisonment. A more sociological approach, based on a field investigation, allows then to investigate the eminently plural character of the interpretation given to the practices by the young people in prison.

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Informations complémentaires

ouvrage

Revue d'histoire de l'enfance "irrégulière", Le Temps de l'histoire, N°9

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annee

pages

145-171

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B en STAPS

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